Santé et interêt général

Vers « l’entreprise-écosystème » ? Le souhait d’un nouvel âge de l’entreprise

Le souhait d’un nouvel âge de l’entreprise, ou la possibilité des improbables conciliations
L’avenir serait écrit. L’entreprise de demain serait de plus en plus digitalisée, robotisée, uberisée, dématérialisée, voire
mondialisée ; et fonctionnant en réseau. Les innovations technologiques y concourent, ainsi que les réflexions sur les mutations
possibles du travail de demain.
À distance de cette vision schématique, la présente étude Viavoice réalisée pour Sycomore révèle des aspirations rupturistes et
souvent convergentes entre les salariés et les dirigeants d’entreprise. La plupart aspirent à un nouvel âge de l’entreprise,
laquelle deviendrait un écosystème impliquant l’humain, l’agilité imposée par les marchés, et le rôle des investisseurs. Et le tout
de manière complémentaire bien plus que contradictoire ; une manière de répondre aux attentes de tous, et de tenter de
surmonter les clivages qui nourrissent, depuis le XIXème siècle, les discours critiques voire conflictuels sur l’entreprise.
Vers un nouvel âge, ou l’avenir de trois révolutions
L’entreprise de demain n’aura pas le même visage que celle d’aujourd’hui. Cette conviction est très majoritairement partagée,
par 58 % des salariés, comme par 75 % des dirigeants. Mais en quoi ce visage sera-t-il différent ? Il s’inscrit bien entendu dans le
contexte de la mondialisation et des mutations technologiques précitées, et se déploie sur trois registres :
– La première révolution est une véritable prise en compte de l’humain : mais quel humain ?
– La deuxième est une agilité de l’entreprise : mais celle-ci est-elle compatible avec la prise en compte de l’humain ?
– La troisième révolution est une refonte de la raison d’être des investisseurs.
L’ensemble compose une entreprise qui tend à devenir un écosystème, défini par une large part de fluidités. Cela appellera en
retour des éléments de pérennité (leadership du dirigeant, vision d’ensemble, marque, attractivité, formalisations juridiques,
processus de production) qui définiront l’armature de l’entreprise.

Première révolution : la nouvelle prise en compte de l’humain, mais quel « humain » ?
Tous, salariés comme dirigeants, insistent sur l’indispensable prise en compte de l’humain dans l’entreprise de demain.
Faisant évoluer l’humain d’une nécessité à une évidence. Mais quel est cette part d’humanité que les uns et les autres
souhaitent intégrer ? Et surtout est-elle si originale, après le paternalisme du XXème siècle (Michelin, mines du Nord), après
les exigences de responsabilités sociétales théorisées dès 1953 (Howard Bowen, Social responsibilities of the businessmen), après
les principes de développement durable formulés au début du XXIème siècle, suivis par les réactualisations de la RSE, par les
utilités ou les contributions sociétales, par les exigences ESG, puis par la croissance inclusive ?
L’humain souhaité ici est en réalité un kaléidoscope d’humanités, assurant en symbiose le mieux-être des salariés et les
performances de l’entreprise. Il se compose de :
– Une priorité donnée à « l’écoute des salariés », lesquels se verraient investis d’une plus grande responsabilité et d’une plus
grande autonomie : 87 % des salariés y aspirent, ainsi que 96 % des dirigeants d’entreprise ; cette aspiration est majeure en
regard du sentiment non seulement de ne pas être « entendu » dans notre société, mais également de ne pas être
suffisamment associé aux prises de décision (« empowerment ») ;
– Une priorité à l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, volontiers citée en réponse aux questions ouvertes ;
– La valorisation d’un « capital humain » définie comme une capacité de développement personnel des salariés et exigeant,
selon les salariés comme les dirigeants, des « compétences acquises », des « qualités humaines », une « expérience
professionnelle », une « ouverture d’esprit », et la « force collective d’une équipe » ; cet alliage essentiel nécessite pour
prospérer à l’avenir de bonnes conditions de travail, de la formation et de la reconnaissance (selon les salariés comme selon
les dirigeants) ;
– Une motivation, forgée notamment par une « bonne ambiance » de travail, mais également par une bonne écoute et un bon
niveau de rémunération (selon les salariés et les dirigeants).
Au total, l’humain tel qu’il est souhaité pour l’entreprise de demain est distinct du paternalisme industriel de jadis, mais
également des seules exigences « RSE ». Il s’agit déjà à ce stade, d’une culture d’écosystème entre les personnes et l’entreprise.
Son importance revendiquée procède de trois mutations historiques majeures :
– Les effets indirects de la crise de 2008, laquelle a souligné les errements de la « finance pour la finance », et appelle en retour
à refonder l’économie sur l’humain afin de trouver des voies de croissance durable et prospère. Cela fait écho au
mouvement du « personnalisme », qui s’est développé après la crise de 1929 ;
– Les mutations sociétales plaidant en faveur d’une prise en compte croissante de la personne (et pas uniquement de
l’individu), selon toutes les modalités participatives ou de réseau ;
– La conviction selon laquelle l’entreprise n’est pas réductible à une « organisation » distincte de la société et des personnes,
mais que ces dernières font pleinement partie intégrante de l’entreprise, avec leur diversité et leurs singularités.

Deuxième révolution : l’agilité collective, en harmonie avec l’humain ?
La seconde révolution souhaitée par les dirigeants comme par les salariés est celle de l’agilité des entreprises. Directement lié aux
enjeux technologiques et aux fluctuations des marchés, cet objectif d’agilité pour demain est très largement perçu par 87 % des
salariés et 97 % des dirigeants.
Mais cette aspiration, souvent jugée d’inspiration libérale économiquement, entrerait-elle en contradiction avec la première
révolution souhaitée, celle de l’humain ?
En réalité, cet impératif ne procède pas d’un simple désir d’adapter les modes d’organisation aux réalités de marchés, ce qui
pourrait s’accomplir au mépris des réalités humaines de l’entreprise. Tout au contraire, ce désir d’agilité pourra aller de pair avec
la promotion de nouveaux modes de management plus horizontaux. Non pas pour supprimer les hiérarchies – pour 62 % des
salariés, le management hiérarchique n’est pas amené à disparaître – mais pour permettre aux initiatives individuelles et
collectives de se développer dans l’entreprise (un souhait exprimé par 67 % des salariés). L’intrapreneuriat est notamment amené
à se développer au cours des prochaines années selon 55 % des salariés et 78 % des dirigeants. Enfin, cet objectif de flexibilité
nécessitera le recrutement de « nouveaux profils hybrides, avec des parcours individuels variés » (69 % selon les salariés), plutôt
que des profils linéaires très spécialisés (19 %).
Et fondamentalement, c’est précisément cette nécessaire agilité de l’entreprise qui peut plaider en faveur d’une plus grande
écoute, au bénéfice de tous : ce changement majeur, presque philosophique, est d’ailleurs anticipé par les dirigeants puisque 72 %
d’entre eux estiment que l’attention portée aux salariés sera de plus en plus importante pour la réussite d’une entreprise.
En revanche, cette « révolution organisationnelle » ne devrait pas se développer à l’avenir par une dématérialisation plus
poussée : si le télétravail peut être apprécié comme un moyen d’améliorer la conciliation entre vie professionnelle et vie
personnelle, il ne semble pas amené demain à se généraliser. Alors que Ray Kurzweil, directeur d’ingénierie de Google, prédisait
la fin du travail de bureau pour la fin des années 2020, en vertu de l’idée selon laquelle les lieux de travail physiques seraient
dépassés à l’heure du digital, force est de constater que ces prédictions ne correspondent pas aux attentes des salariés comme des
dirigeants, puisque seuls la moitié d’entre eux (47 % et 50 % respectivement) préféreraient que l’entreprise soit totalement
dématérialisée (sans locaux fixes, le salariés travaillant là où il le souhaite), et ceci quelle que soit la génération des répondants.

Troisième révolution : les finalités nouvelles de l’investissement
La troisième « révolution » qui va porter l’entreprise de demain consiste à repenser les finalités de l’investissement. Sur ce
point, salariés et dirigeants partagent les mêmes convictions : 56 % des salariés, ainsi que 67 % des dirigeants, estiment que
« les investisseurs doivent avoir un rôle dans la stratégie sociale, sociétale ou environnementale de l’entreprise ».
Ce rôle peut être conçu comme un simple conseil ou accompagnement sans prise de décision, ou comme une implication plus
concrète sur les conditions de travail et de bien être des salariés, ou encore comme un rôle RSE plus large (contributions,
fondations, etc.).

Conclusion : l’ « entreprise écosystème », ou la possibilité des improbables conciliations
Ce à quoi salariés et dirigeants aspirent est un véritable nouvel âge de l’entreprise, qui ne soit pas réductible à un
approfondissement ou à un prolongement de la RSE « classique ».
Bien plus profondément, le modèle souhaité pour demain apparaît comme un écosystème, défini par la prise en compte de
chacune de ses parties, et par la capacité d’adaptation de chacune d’elles également. Surtout, cet écosystème se caractérise par
une compatibilité pour une large part inédite entre trois composantes majeures de la vie de l’entreprise :
– Les salariés, leur prise en compte, leur bien-être ;
– Les contraintes de marché qui imposent souvent une agilité d’organisation croissante ;
– Les ambitions des investisseurs.
Longtemps, ces trois composantes ont mis en tension la vie de l’entreprise, en nourrissant des divergences de vues ou
d’intérêts. À l’inverse pour l’avenir, l’idée d’« entreprise écosystème » autorise la convergence entre la prise en compte des
salariés, laquelle facilite l’agilité organisationnelle de l’entreprise, et justifie l’engagement des investisseurs. C’est une bonne
réponse au monde économique qui vient (François Miquet-Marty, Secrets de croissance, Michalon, 2016), et c’est une autre
manière de considérer que l’entreprise de demain sera durablement l’affaire de tous, sans exception.

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