Santé et interêt général

Baromètre de la Vie au Travail. La Mutuelle Familiale – Bloomtime – France Info. Juin 2022

Refaire société en entreprise ?

La perception d’une fracture et d’inégalités : une recomposition globale qui peine à trouver des réponses au sein de l’entreprise

Dans le sillage de la crise sanitaire, une évidence semble se dégager : la vie professionnelle reprendrait ses droits et les impacts liés à cette période tendraient à s’atténuer à travers le temps.

L’édition 2021 de l’Observatoire « Vie au Travail », Viavoice – La Mutuelle Familiale – BloomTime avait révélé une double fracture au sein du corps social des salariés :

  • L’aspiration à une recomposition globale de ce qui « fait société » dans l’entreprise ;
  • Une divergence prégnante entre salariés et dirigeants en matière de solutions.

Cette année, cette nouvelle livraison de l’Observatoire « Vie au Travail »  Viavoice – La Mutuelle Familiale – BloomTime, réalisée à l’occasion de la semaine de la qualité de vie au travail (« QVT ») du 20 au 24 juin est marquée par des enseignements majeurs concernant le lieu de sociabilité que constitue « le travail » :

  • La persistance d’une fracture au sein du corps social des salariés, qui se cristallise ;
  • Une inégalité face aux nouvelles organisations, conditions de travail ;
  • Une recomposition globale de ce qui « fait société » dans l’entreprise qui peine à se transcrire dans les faits.

Une fracture du corps social qui persiste et se cristallise

Si près des trois quarts (73 %) des salariés déclarent avoir « bien » vécu les douze derniers mois, notons la propension plus importante de salariés de la fonction publique et des employés de commerce à décrire une situation plus négative, dénotant un « après » différemment perçu socialement.

En outre, la fracture du collectif humain que représente l’entreprise se confirme, un tiers des salariés déclarant avoir « le sentiment de moins faire partie du collectif humain de leur entreprise ou institution ». Une polarisation consacrant un enjeu d’une forte acuité et qui impacte l’entreprise en tant qu’institution sociale. Ce sentiment de distanciation se déploie sur plusieurs registres :

  • 27 % des salariés estiment que « la relation avec leurs collègues est devenue plus fragile » ;
  • 30 % considèrent que « la relation avec leur hiérarchie est devenue plus fragile » ;
  • 36 % se sentent « moins attachés à leur entreprise ou institution ».

Sur ce dernier point, cette distanciation par rapport à l’entreprise est également illustrée par la proportion plus importante de répondants estimant que leurs conditions de travail se sont détériorées (62 %) ; une perte d’adhésion au collectif humain et à l’institution ayant un impact réel sur les perceptions et le sens au travail (67 % estimant que ces évolutions ont détérioré le sens qu’ils décernent à leur travail).

Une inégalité face aux nouvelles organisations, des conditions de travail ayant un impact sur le lien social

En parallèle de cette fracture du corps social de l’entreprise, une inégalité des expériences de télétravail ou face aux nouvelles organisations émanant de la crise sanitaire se dessine, influant sur le rapport au travail dans sa globalité.

Plus d’un tiers des salariés déclarent avoir télétravaillé durant l’année écoulée, une proportion en baisse de 4 points par rapport à 2021, demeurant toutefois conséquente. Cette pratique du télétravail est socialement polarisée en raison de la possibilité ou non de l’exercer : catégories sociales aisées, habitants de la région parisienne, fonctionnaires ou personnes travaillant dans des entreprises de 250 salariés et plus, l’exercent lorsque les ouvriers et les ruraux sont davantage en présence.

Qui plus est, les salariés évoquent pour une majorité d’entre eux (61 %) des conditions de travail qui se sont maintenues. Mais près d’un quart estime que leurs conditions de travail se sont détériorées contre 10 % notant une amélioration. La détérioration des conditions de travail étant davantage perçue au sein de la fonction publique d’Etat (34 %) et dans les entreprises de 250 salariés et plus (33 %).

Concernant le télétravail :

  • Près d’un tiers des salariés jugent que l’organisation de leur travail a évolué sur ce point (32 %), une évolution davantage marquée auprès des cadres, de ceux qui font partie des entreprises de plus de 250 salariés et auprès de ceux qui estiment que leurs conditions de travail se sont améliorées.
  • Les salariés ayant perçu une évolution jugent pour 36 % d’entre eux qu’ils télétravaillent moins qu’avant, 34 % estimant télétravailler davantage et 19 % ne télétravaillant plus.
  • 77 % des salariés ayant connu une organisation en télétravail soutiennent par ailleurs qu’une organisation « hybride » (alternant télétravail et présence sur le lieu de travail) est facile à gérer dont 28 % qui la jugent très facile à gérer. Une proportion moindre au sein de la fonction publique dénotant de difficultés accrues.
  • En conséquence, une proportion similaire des salariés ayant télétravaillé seraient prêts à pérenniser cette organisation (76 %, dont 40 % « tout à fait »).

Concernant le flex office :

  • 16 % des salariés jugent que l’organisation de leur travail à évolué sur ce point, une évolution davantage marquée auprès des cadres, de la fonction publique territoriale, des 25-34 ans et auprès de ceux qui estiment que leurs conditions de travail se sont améliorées.
  • Les salariés ayant perçu une évolution déclarent pour 61 % d’entre eux que leur entreprise a mis en place une organisation en flex office contre 21 % ayant mis fin à ce type d’organisation.
  • Plus précisément, 67 % des salariés ayant éprouvé une organisation en flex office disent que cette organisation est facile à gérer contre 26 % qui estiment qu’elle est difficile à gérer.

Ainsi face aux nouvelles organisations, les possibilités et le rapport aux changement est inégal, si le télétravail/flex office sont globalement faciles à gérer pour une majorité, disposer des moyens de l’exercer varie en fonction des métiers et des ressources mises en place.

Une recomposition globale de ce qui « fait société » dans l’entreprise qui peine à trouver des réponses

A l’heure du bilan, 43 % des salariés estiment qu’aucune mesure n’a été mise en place pour récréer du lien entre les personnes de l’entreprise/institution depuis la pandémie. Un constat qui tranche avec les souhaits de 2021 mais qui s’avère en phase avec les pronostics réalisés par les salariés. Ce hiatus entre les aspirations et leurs transcriptions concrètes par les dirigeants apparaît comme un obstacle à la recomposition globale entrevue en 2021.

En regard de ce constat contrasté, la QVT demeure pour une majorité une réelle opportunité pour améliorer les conditions de travail et le vécu des salariés (51 %). Ces derniers considèrent en outre que le sens, les missions au travail sont intimement liés à la qualité de vie au travail (57 %) malgré une baisse de 12 points par rapport à la précédente édition du baromètre ;  ces proportions consacrant avant tout une perception positive de l’intérêt de la QVT pour améliorer les conditions de travail. Pour l’avenir, les salariés souhaitent davantage de reconnaissance (45 %), de confiance (29 %) ou encore davantage d’informations partagées (23 %).

Ces insuffisances d’améliorations s’illustrent particulièrement dans le cadre de la vision du travail de demain. Ainsi 52 % des salariés estiment que leur qualité de vie au travail se maintiendra dans les conditions actuelles, 22 % évoquent une possible dégradation, notamment au sein de la fonction publique et seuls 17 % estiment que leur qualité de vie au travail va s’améliorer.

Dans ces circonstances, les entreprises en France apparaissent à la croisée des chemins, en étant plus que jamais invitées à transcrire les aspirations de leur corps social par des liens humains, par la QVT et par un travail sur leurs missions et sur le sens.

Répondre aux fractures, aux inégalités et aux aspirations engendrées par la crise sanitaire apparaît ainsi comme l’un des enjeux majeurs de l’entreprise de demain afin de refaire société au sein de l’entreprise et de dessiner un futur désirable.

 

Florian Moreau,
Consultant Viavoice

Par :
François Miquet-Marty
Florian Moreau

 

Publié le 21/06/2022

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