Santé et interêt général

Baromètre sur l’utilité du journalisme.

A quelques mois des Jeux Olympiques

Les Français et le sport : entre passion et distance

En pleine année olympiques et alors que la place du sport dans la culture populaire française est régulièrement pointée du doigt, cette nouvelle édition du baromètre sur l’utilité du journalisme présente un intérêt à un double niveau.

D’abord, celui de mesurer l’état de l’opinion dans un contexte politique et social moins houleux que années précédentes (élection présidentielle en 2022, crise sociale en 2023) mais aussi d’interroger les Français sur leur rapport au journalisme de sport à l’aune des échéances sportives qui se profilent.

Les Français et l’utilité du journalisme

Premier enseignement de cette nouvelle édition du baromètre sur l’utilité du journalisme, plus de 8 Français sur 10 estiment toujours que le journalisme est un métier utile (85 %). Un score en hausse depuis l’année passée, mais en baisse de 5 points par rapport à l’année 2022, marquée par le début de la guerre entre l’Ukraine et la Russie et par la campagne présidentielle. 

72 % des Français continuent d’accorder en priorité leur confiance à l’information qu’ils trouvent par eux-mêmes dans les médias professionnels, quel que soit le support. Un score en baisse de 4 points par rapport à l’année passée et qui décroît pour la seconde année consécutive. Il retrouve son plus faible score depuis février 2020, juste avant l’entrée dans la crise de la Covid 19. Si les années suivantes avaient marqué un regain de confiance pour l’information «professionnelle», cette année 2024 marque une rechute. 

S’agissant des anticipations sur l’avenir du journalisme, des médias et du rapport à l’information, les enseignements de cette nouvelle édition du baromètre réalisé par Viavoice pour les Assises du journalisme s’avèrent globalement stables. Deux points se démarquent:

  • Aux yeux de 79 % de l’opinion, le journalisme est indispensable dans une société démocratique, un score encore très majoritaire mais qui enregistre une baisse sensible de 5 points en deux années (84 % en 2022)
  • Autre point d’alerte: 39 % s’estiment en accord avec l’affirmation selon laquelle «une information de qualité se paie, elle n’est jamais gratuite», c’est 4 points de plus que l’année passée. Lu en regard du léger recul du niveau de confiance dans l’information professionnelle, cet enseignement laisse percevoir une forme de concurrence informationnelle, l’idée que les professionnels du journalisme ne seraient plus, dans l’opinion, les seuls à garantir la qualité de l’information.

 

Enseignements frappants de l’étude, si le journalisme est toujours d’abord perçu comme une «médiation entre pouvoir et contre-pouvoir» pour 46 % des Français, ils étaient 50 % à le penser l’année passée, au coeur des débats portant sur la réforme des retraites. Dans un contexte d’opposition entre le pouvoir et l’opinion manifestant ses positions de la rue, le journalisme pouvait alors faire figure de «simple» intermédiaire entre les camps. 

Les choses se rééquilibrent ainsi sensiblement cette année, 14 % de l’opinion estimant même que le journalisme devrait être un «quatrième pouvoir», soit 5 points de plus qu’en 2023. A l’âge de la surcharge informationnelle où les canaux d’information se multiplient et où le journalisme professionnel n’est plus considéré comme unique producteur de qualité informationnelle, la priorité doit toujours être donnée à la vérification des informations fausses pour 65 % des Français (+3 points).

Les Français et le journalisme de sport

Les «deux France»

Près d’un Français sur deux déclare s’informer régulièrement sur le sport et son actualité (45 %: 22 % à rythme quotidien, 23 % au moins une fois par semaine). Prenant part à une culture réputée comme ne valorisant pas le sport, les Français sont, en effet, clivés. 35 % ne se reconnaissent pas dans un suivi régulier de l’actualité sportive et 20 % déclarent même ne jamais la suivre. La population se révèle ainsi coupée en deux dans son rapport à l’actualité sportive, plus d’un Français sur deux s’en tenant éloigné. 

Dans le détail, 61 % des hommes déclarent s’informer régulièrement sur l’actualité sportive, soit deux hommes sur trois, contre 30 % des femmes. Ce public particulièrement assidu est aussi relativement jeune (56 % des 18-24 ans contre 40 % des 60 ans et plus). Politiquement, on y retrouve une majorité d’électeurs d’Emmanuel Macron (57 % de ses électeurs de 2022 déclarent un suivi régulier), de sympathisants de gauche (59 %). A l’inverse, seul un abstentionniste sur quatre (27 %) lors de la dernière élection présidentielle suit régulièrement le sport. S’informer ou non sur le sport : voilà des comportements qui n’échappent pas totalement à une lecture politique.

Pour les ¾ des Français qui suivent l’actualité sportive, même rarement, c’est d’abord pour connaître les résultats des matchs et des compétitions (75 %), mais aussi pour bénéficier des comptes-rendus faits par les journalistes. Pour 39 % d’entre eux, cela permet de rester informé des évènements culturels de leur pays, mais aussi de se divertir (38 %) et de pouvoir en discuter (34 %). De quoi justifier la considération du sport comme facteur de lien social, même «passivement». Le suivi général de l’actualité sportive cache évidemment des disparités d’intensité de suivi: 41 % déclarent avoir un sport de prédilection, un chiffre qui monte même à 86 % parmi ceux qui s’informent quotidiennement. 

De manière générale, le football reste le sport le plus suivi, par plus de la moitié des Français suivant de près ou de loin l’actualité sportive (51 %) et par une très large majorité de ceux dont le suivi est quotidien (78 %). Passion transclasse, transpartisane et transgénérationnelle, elle reste genrée: 63 % des hommes s’informent sur le football contre 37 % des femmes. 

Rattaché à un objet positivement connoté, le traitement médiatique de l’actualité sportive bénéficie globalement d’un regard bienveillant dans l’opinion: il est jugé intéressant pour 34 % des Français, passionné (32 %), utile et accessible pour un Français sur quatre (26 %). A contrario, il est considéré comme agaçant pour 18 % et inintéressant pour 14 % des Français. 

Ce clivage entre une France passionnée et une France distante entraine une différence d’appréciation mais aussi d’attentes envers les journalistes. Interrogés sur les mots que leur évoque le traitement médiatique du sport, les évocations sont positives pour 82 % des spectateurs réguliers contre 65 % en moyenne. Ils sont également sensiblement plus critiques: 45 % d’entre eux émettent des réserves (évocations négatives) sur ce traitement contre 40 % des Français en moyenne.

Journalistes et en même temps supporters? Cela dépend…

Même si son objet est consensuel, huit Français sur dix déclarant avoir confiance dans le travail et l’information délivrée par les journalistes s’agissant du sport. L’opinion reste exigeante: 76 % estiment que les journalistes de sport doivent être neutres et ne pas afficher leurs préférences. Une exigence particulièrement accentuée chez les plus âgés (83 % des 60 ans et plus contre 68 % des 18-24 ans). S’agissant du constat, il se révèle plutôt sévère: plus d’un Français sur deux estiment que les journalistes de sport ne sont pas neutres et qu’ils affichent leurs préférences quand un tiers de la population pense l’inverse (35 %). Le regard de la «France passionnée» se révèle plus clément: la moitié estime que le traitement est en l’état déjà neutres (48 % contre 35 % en moyenne). 

Surtout, c’est sur le rapport au «supporterismenational » que le décalage apparaît. Alors qu’une neutralité est globalement attendue, les choses changent quand les couleurs nationales sont représentées : près d’un Français sur deux (45 %) estime que dans le cas où la France est représentée, les commentateurs doivent montrer leurs préférences. Un chiffre qui monte à 65 % parmi ceux qui s’informent très régulièrement. A contrario, seuls 23 % de ceux qui ne suivent jamais l’actualité sportive attendent des journalistes une forme de supporterisme.

Vers les Jeux Olympiques… patiemment

On dit souvent de la France qu’elle n’est pas une nation qui place le sport au coeur de son identité du quotidien, force est de constater que le rapport de l’opinion aux Jeux Olympiques et Paralympiques en atteste: à quatre mois des Jeux olympiques, seuls 37 % des Français attendent «avec impatience» leur tenue. Ils ne sont même que 14 % à les attendre avec «beaucoup d’impatience». Si ce score est sensiblement plus élevé chez les passionnés, il ne dépasse pas les 55 %. Dans la complexité des épreuves et des disciplines, les Français attendent d’abord du traitement médiatique qu’il leur délivre une information claire et détaillée sur les différences compétitions, mais aussi qu’il leur partage l’ambiance et les émotions des compétitions. 

Une attente propre à la ferveur d’un évènement sans équivalent, encore loin de déchainer les foules françaises. Si proches, et si loin en même temps…

Adrien Broche
Responsable des études politiques et publiées – Viavoice

 

Par :
Adrien Broche
Margot Hoché
Publié le 25/03/2024

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