[vc_row css=”.vc_custom_1541758928160{padding-right: 20px !important;padding-left: 20px !important;}”][vc_column][vc_separator el_width=”60″][vc_column_text]
Sondage réalisé par Viavoice pour Libération.
Interviews effectuées en ligne du 28 au 29 novembre 2018.
Échantillon de 1021 personnes, représentatif de la population résidant en France métropolitaine âgée de 18 ans et plus.
Représentativité par la méthode des quotas appliquée aux critères suivants : sexe, âge, profession de l’interviewé, région et catégorie d’agglomération.
Les rappels de données antérieures présentés dans ce rapport sont issus des précédentes vagues du baromètre politique Viavoice pour Libération.
[/vc_column_text][vc_separator el_width=”60″][vc_column_text]
Les gilets jaunes, un mouvement social au cœur de la société française
Qui sont les « gilets jaunes » ? Pourquoi se mobilisent-ils ? Et pourquoi aujourd’hui ?
Qu’attendent-ils de ces mobilisations ? Et comment expliquer qu’ils bénéficient d’une image positive auprès d’une majorité de l’opinion publique, en dépit des blocages, des violences ou des accidents qui ont accompagné certaines de leurs mobilisations ?
Ces questions bousculent depuis 15 jours le débat public, tant ce mouvement populaire a cassé les codes des mouvements sociaux traditionnels : à la fois apolitique et politique, populaire et inattendu, sans organisation institutionnalisée ni expérience militante, le mouvement des gilets jaunes n’en finit pas d’étonner, de questionner, et surtout de malmener les habitudes d’analysede la vie politique et sociale qui prévalaient jusqu’ici.
Afin de mieux comprendre ce mouvement social relativement inédit, Viavoice et Libération ont souhaité analyser les profils des personnes qui déclarent y avoir participé, que ce soit directement ou via les réseaux sociaux.
Des « gilets jaunes » plutôt représentatifs de la société française
15 % des personnes interrogées déclarent avoir participé personnellement « dans la rue ou sur les routes » au mouvement des gilets jaunes, 29 % déclarent l’avoir suivi sur un réseau social ou en signant une pétition, et enfin 50 % des Français connaissent des « gilets jaunes » dans leur entourage proche (amis, famille, collègues).
Sans ambigüité, on peut souligner que ce mouvement traverse très largement la société française, expliquant pourquoi sa popularité ne se dément pas après déjà deux semaines de mobilisation : 53 % des personnes interrogées soutiennent le mouvement et 31 % déclarent le comprendre sans le soutenir, soit au total 84 % de Français ayant une opinion plutôt positive des gilets jaunes, contre à peine 10 % de personnes opposées au mouvement.
Par ailleurs, si l’on regarde les profils des personnes les plus mobilisées, ceux qui ont participé directement aux actions et manifestations de ces derniers jours, on retrouve certes des catégories surreprésentées, mais aussi une grande diversité de Français :
– En termes d’âge, ce sont les actifs autour de 40 ans qui sont les plus représentés (20 % de personnes actives), mais 16 % des 18-24 ans sont aussi des « gilets jaunes », comme 7 % des plus de 65 ans, ce qui est loin d’être un chiffre anodin pour une catégorie de population peu habituée aux mouvements sociaux ;
– En termes socio-professionnels, si l’on mesure bien une surreprésentation des employés et ouvriers (24 %), 14 % des cadres et professions intellectuelles supérieures déclarent également avoir participé directement au mouvement ;
– D’un point de vue politique, les différents électorats de 2017 sont également tous représentés, bien qu’inégalement : les électeurs de Marine Le Pen sont 24 % à s’êtremobilisés, mais c’est aussi le cas de 16 % des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, 18 % de ceux qui ont voté Benoît Hamon, 12 % de ceux qui ont voté François Fillon et même 10 % des électeurs d’Emmanuel Macron (au premier tour de l’élection) ;
– Enfin, d’un point de vue territorial, hormis l’agglomération parisienne moins mobilisée, tous les autres territoires sont représentés dans des proportions proches, atténuant l’idée selon laquelle le mouvement serait dû essentiellement à une fracture territoriale qui opposerait villes et campagnes : si cette fracture existe bel et bien, elle n’est pas le seul critère de mobilisation, ni la seule explication du soutien important à l’égard des gilets jaunes.
Il ressort ainsi une « photographie » des gilets jaunes relativement diverse : de droite ou de gauche, jeunes, vieux ou d’âges moyens, habitants de communes rurales, de petites villes ou de grandes agglomérations, employés ou ouvriers, mais aussi parfois cadres.
Autrement dit, le « gilet jaune » a tout du Français moyen, dans (presque) toute sa diversité. Et si les catégories populaires y sont particulièrement représentées, le mouvement dans son ensemble apparaît assez représentatif de la société française.
Or, cette capacité du mouvement des gilets jaunes à traverser la société française explique en grande partie sa popularité. En outre, elle fait passer certaines critiques jouant sur les peurs ou les stéréotypes (« peste brune », « poujadisme », etc.) comme particulièrement déconnectées de ce qu’observent les Français sur le terrain, à travers les personnes mobilisées autour d’eux,sur leur territoire ou dans leur entourage.
Un Français sur deux a le sentiment de vivre au sein d’une « France périphérique »
Certes, le mouvement des gilets jaunes a aussi des causes territoriales : ce n’est pas un hasard sil’agglomération parisienne, pourtant en proie à des difficultés sociales réelles, est moins mobilisée que les autres. L’accès facilité aux transports, à l’emploi ou aux services publics peut sans doute expliquer cette différence. Pour autant, les autres grandes agglomérations (de plus de 100 000 habitants) apparaissent aussi mobilisées que les zones rurales ou péri-urbaines.
Comment expliquer ce paradoxe ? En réalité, le sentiment de relégation territoriale dépasse les clivages géographiques traditionnels (villes-campagne), puisque c’est aujourd’hui près d’unFrançais sur deux (48 %) qui a le sentiment de vivre au sein d’une « France périphérique ».
Ce sentiment de relégation territoriale a de multiples causes :
– Des causes économiques et sociales, avec 38 % des Français qui considèrent qu’il y a moinsd’emplois sur leur territoire qu’ailleurs en France ;
– Mais aussi des inégalités d’accès aux transports – 40 % des personnes interrogées déclarentqu’il y en a moins sur leur territoire – ou aux services publics de manière générale (32 %).
Enfin, 30 % de la population a le sentiment qu’il y a sur leur territoire moins de « solutions pour faire entendre sa voix, en tant que citoyen ». Ainsi les modalités d’action des gilets jaunes, les blocages des routes, les manifestations non déclarées le plus souvent, sont aussi les moyensd’expression d’une population qui n’en a pas d’autres.
Au-delà de la fiscalité, l’enjeu démocratique et social
Que souhaitent les gilets jaunes ? Depuis les premières revendications centrées sur la fiscalité de l’essence et du gazole, qui ont été les éléments déclencheurs de la « révolte », se sont greffées des doléances démocratiques, sociales et territoriales. Et, en effet, on observe parmi les citations spontanées des Français surtout des attentes générales (plus de pouvoir d’achat,moins d’inégalités, moins de taxes…) plus que des revendications liées à l’essence ou la voiture.
Pour autant, le prix à la pompe reste le symbole et le point de cristallisation d’un ras-le-bol fiscal persistant et du sentiment d’une fiscalité injuste, car indifférente au niveau de revenu. Une injustice d’autant plus ressentie que 48 % des Français placent le prix de l’essence et du gazole parmi leurs principales difficultés du quotidien.
Enfin, les difficultés actuelles des Français ne sont pas uniquement économiques : en tête de leurs priorités figure aujourd’hui, avec 52 % des citations, le « sentiment que les personnes qui dirigent la France ne vous représentent pas, ne vous écoutent pas ». Or sur ce point, la fracture territoriale n’est pas aussi forte que l’on pourrait le penser, puisque ce sentiment est exprimé dans des proportions similaires en agglomération parisienne (52 %) et en zone rurale (53 %).
Autrement dit, si le mouvement des gilets jaunes s’est nourri d’une certaine fracture sociale et territoriale à ses débuts, il s’agit aujourd’hui en premier lieu d’une fracture politique, celle d’une méfiance croissante entre le peuple et ses représentants.
L’exécutif ne réussit toujours pas à enrayer sa chute
Dans ce contexte particulièrement difficile, Emmanuel Macron atteint son plus bas niveau de popularité (23 %) après une nouvelle chute de 3 points depuis octobre.
Mais surtout, il entraîne maintenant son Premier ministre, qui avait jusque là mieux résisté aux différentes crises de l’été et de la rentrée : avec 25 % d’opinions positives, Edouard Philippe perd ainsi 9 points, et même 20 points parmi les sympathisants de droite qui ne sont plus que 27 % à lui accorder sa confiance.
Cette tendance s’observe aussi pour les ministres qui ont été en première ligne dans la crise des gilets jaunes : Bruno Le Maire perd 8 points depuis octobre (à 21 % d’opinions positives seulement), Gérald Darmanin 4 points (à 16 %), Benjamin Griveaux 3 points (à 15 %).
Le Président de la République, sans majorité forte, seul face aux contestations sociales qui le visent en priorité – pour ne pas dire en exclusivité – finit donc l’année 2018 en mauvaise posture, loin des 46 % d’opinions favorables qu’il recueillait en décembre 2017.
Que s’est-il passé ? La conjoncture économique s’est retournée, certes, provoquant des difficultés sociales en cascade et des choix politiques difficiles à prendre. Une conjoncture qui a eu pour effet de délégitimer l’idée d’une France de retour, conquérante et victorieuse, ou d’un« nouveau monde » qui serait plus efficace que l’ancien.
Mais il s’est passé autre chose, indubitablement : une cassure entre le « peuple » et le premier des « premiers de cordée », sur le fond comme sur la forme. Bien entendu, il est encore trop tôt pour dire s’il s’agit d’un désaccord profond ou d’un divorce irrémédiable, d’autant plus qu’ilreste trois ans de mandat à Emmanuel Macron pour rebondir. Mais il ne fait désormais plus aucun doute qu’il s’agit d’une crise majeure. Pour la France comme pour son Président.
[/vc_column_text][vc_column_text]
Aurélien Preud’homme
Directeur des études politiques
[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_separator el_width=”60″][vc_column_text]
Lire l’intégralité de l’étude
[/vc_column_text][vc_separator el_width=”60″][/vc_column][/vc_row]