Politique

Baromètre politique Viavoice-Libération. La jeunesse française et la question de l’éducation. Janvier 2024

Regards et opinions sur la jeunesse française

Des générations réconciliables, l’absence de «guerre des âges»

Crise climatique, crise du logement, crise du financement des retraites… les enjeux auxquels la jeunesse française sera confrontée – quand elle ne l’est pas déjà – sont pluriels.

Quel regard l’opinion porte-t-elle sur les jeunes ? Comment se reconnait-elle dans ses difficultés, quelle responsabilité fait-elle peser sur elle ou sur les autres ? L’enquête menée par Viavoice pour Libération entend questionner ces enjeux essentiels, alors qu’une très large majorité des jeunes en âge de voter ne se rendront très probablement pas aux urnes dans le cadre des élections européennes de juin prochain. 

La jeunesse dans la société française : opinions et traits d’image

Premier enseignement de l’enquête Viavoice pour Libération, la jeunesse suscite davantage de défiance que de confiance dans la population française. Si 41 % des Français ont une bonne opinion des «jeunes âgés de 15 à 20 ans», près de la moitié reconnaissent en avoir une mauvaise opinion. Cette perception se révèle politiquement structurée, les sympathisants de gauche ayant une représentation de la jeunesse nettement plus positive que la moyenne (62 % contre 41%). Donnée éclairante : une absence de guerre générationnelle, 37 % des 18-24 ans en ayant une opinion négative contre 44 % des 65 ans et plus. Une différence sensible mais non significative.

Autre enseignement marquant, alors que le débat public formule régulièrement une critique en «favoritisme» s’agissant de la politique conduite par Emmanuel Macron en faveur des séniors davantage qu’en faveur de la jeunesse, l’opinion n’incline pas en ce sens. Une large majorité de la population n’exprime aucun avis sur cette question (61 %), quand les opinions exprimées se partagent à part égale entre une politique menée en faveur des jeunes (20 %) et des plus âgés (19%).

En dépit d’une opinion générale qui témoigne d’une relative défiance vis-à-vis de la jeunesse, les résultats de l’enquête conduite par Viavoice souligne dans le même temps une forme de bienveillance compassionnelle exprimée à l’égard des jeunes Français. En cause : la représentation d’une jeunesse qui fait face à des défis plus importants que ceux des générations précédentes ont eu à gérer, pour 52 % des Français, une opinion partagée par 55 % des 18-24 ans et 56 % des 65 ans et plus. Un alignement générationnel notable donc, et une conscience partagée du caractère vertigineux des défis qui s’annoncent.

S’agissant des traits d’image de cette jeunesse, elle est d’abord vue comme «inquiète», à hauteur de 65 % dont près d’un quart de la population considère même que ce qualificatif lui convient «très bien» (23 %). Une inquiétude que, là encore, comprennent les Français dans leur ensemble.

En résulte un chiffre d’ampleur : 8 Français sur 10 considèrent la jeunesse française «mal préparée» face aux défis qui s’ouvrent pour la société de demain. Un indicateur qu’il semble falloir lire comme une circonstance atténuante à un manque d’engagement.

Des inquiétudes comprises, une relation au travail mal perçue

Pour autant, les résultats de l’étude révèlent la perception d’une absence d’engagement de cette même jeunesse, pointant là une ambivalence : les jeunes de France (15-20 ans) sont perçus comme inquiets et en colère mais aussi comme indifférents, et comme résignés. Un segment de la population comme pris en contradiction entre le registre émotionnel, fortement teinté de mécontentement, et celui de l’action, marqué par une certaine apathie résignatrice. A lire entre les lignes : une représentation de la nature de l’engagement qui diffère très probablement selon les générations. En effet, quand 39 % des 18-24 ans 37 % des 25-34 ans considèrent la jeunesse de France comme «engagée» (12 points au-dessus de la moyenne), les 65 ans et plus ne sont que 17 % (8 points en dessous de la moyenne). Une différence de perception probablement due à un décalage entre un engagement entendu de manière extensive (activisme, indignations, éco-anxiété…) et une conception plus traditionnellement «civique» de l’engagement, principalement évalué au travers du vote.

C’est enfin sur le registre du travail et de l’effort qu’un schisme générationnel se constate : si 40 % des 18-24 ans estiment que le qualificatif «travailleurs» convient bien aux jeunes Français âgés de 15 à 20 ans aujourd’hui, ils ne sont que 22 % parmi les 50-64 ans et 27 % parmi les 65 ans et plus. Enfin, l’opinion pointe un défaut de courtoisie, une large majorité de Français (64 %) considérant que le qualificatif «respectueux» s’applique mal à la jeunesse d’aujourd’hui.

La question du vote : un terrain de réconciliation paradoxal ?

Paradoxalement, s’il est un terrain commun sur lequel les générations peuvent se comprendre en dépit de comportements opposés, c’est celui de la question démocratique. 60 % des Français déclarent comprendre l’abstention électorale qui touche souvent la jeunesse en âge de voter, 27 % déclarent même la comprendre «tout à fait». Une position partagée par les sympathisants de gauche, qui se montrent encore plus compréhensifs : 73 % d’entre eux estiment «comprendre» ce comportement». Si les plus séniors se montrent, peu étonnement, plus exigeants (39 % ne comprennent pas, +9 par rapport à la moyenne), ils sont tout de même une majorité, là-encore, à justifier cette attitude. 

S’agissant des raisons perçues pour expliquer cette abstention spécifiquement jeune, celles-ci résonnent avec celles de la population française en général : le fait de ne pas croire en la politique et en son efficacité pour changer les choses (42 %), une mauvaise image du personnel politique(32 %) et un désintérêt pour la politique (30 %).

A noter là encore, une majorité de Français ne blâme pas la jeunesse dans ce comportement : si 1/3 des Français estiment que c’est «d’abord aux jeunes eux-mêmes de se mobiliser(…)», plus d’un Français sur deux (51 %) estiment au contraire qu’il revient «au personnel politique de mobiliser les jeunes pour qu’ils s’intéressent aux sujets d’actualité et de société». 

La question du «réarmement civique» de la jeunesse

Interrogée sur l’expression employée par le Président de la République lors de sa conférence de presse du 16 janvier, l’opinion est partagée : 33 % considèrent que cette expression est «vide» quand 27 % la trouvent «pertinente». 

Les mesures annoncées ou évoquées par le chef de l’Etat s’avèrent globalement bien accueillies : l’encadrement de l’usage des écrans à hauteur de 69 %, «l’apprentissage de la Marseillaise dès l’école primaire», à hauteur de 63 %, la généralisation du SNU est une bonne chose pour 62 % des Français et l’expérimentation de la «tenue unique» recueille 59 % d’opinions favorables.

Pour autant, ces mesures essentiellement symboliques, comme reconnu par Emmanuel Macron lui-même, doivent être mises en regard avec des solutions plébiscitées pour réduire les inégalités scolaires : la réduction du nombre d’enfants par classe (68 %) mais également l’augmentation du budget de l’Education nationale, la révision des rythmes scolaires et l’augmentation du niveau d’exigence envers les élèves. De quoi équilibrer le symbolique avec du concret.

Adrien Broche
Responsable des études politiques et publiées, Viavoice

 

Par :
Adrien Broche
Lola Lusteau
François Miquet-Marty
Publié le 01/02/2024

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