Etude d’opinion réalisée par Viavoice pour l’Observatoire de la laïcité
Un attachement profond de la société françaisepour la laïcité, considéré comme l’un des principauxacquis de la République
Comment l’opinion publique perçoit-elle la laïcité, aujourd’hui en France ?
Plus d’un siècle après le vote de la loi du 9 décembre 1905, et alors que les questions liées à la laïcité se sont multipliées dans le débat public ces dernières années, l’Observatoire de la laïcité a souhaité réaliser avec Viavoice une étude pour mesurer l’opinion des Français sur ces questions : sont-ils attachés à la laïcité, et pourquoi ? Comment perçoivent-ils le modèle français de laïcité, dans la théorie ou dans la pratique au quotidien ? Qu’enattendent-ils à l’avenir, prioritairement ?
Il ressort des résultats de notre étude un attachement à la laïcité très largement majoritaire dans notre pays, même si certains écarts peuvent être soulignés selon l’âge ou la catégorie sociale des répondants.
Pour autant, une part majoritaire de l’opinion publique déplore dans le même temps des difficultés à appliquer correctement la laïcité au quotidien, voire une instrumentalisation de celle-ci, la transformant parfois en élément de conflit ou de divisions, alors qu’elle devrait être un élément de cohésion nationale essentiel.
Les trois quarts de l’opinion publique se déclarent attachés à la laïcité
Le profond attachement des Français à la laïcité peut se mesurer à partir d’un certain nombre d’indicateurs :
– Près de trois Français sur quatre (73 %) se déclarent attachés à la laïcité telle que définie par le droit (après rappel de la définition). Et surtout, cet attachement est proportionnel à leur niveau de connaissance (mieux on connaît la laïcité telle que définie par le droit, plus on y est attaché personnellement).
– Ils sont par ailleurs 69 % à juger qu’il s’agit d’un « principe républicain essentiel ».
Ces résultats, très largement majoritaires, montrent un certain consensus actuel autour du principe de laïcité, qui en plus d’un siècle est devenu une part de notre identité nationale et républicaine. Et ce « consensus républicain » apparaît d’autant plus fort que la laïcité estaujourd’hui considérée comme n’étant « ni de droite ni de gauche » par 79 % de la population, et donc au-dessus des clivages politiques traditionnels.
Des écarts limités mais symptomatiques
Derrière ces chiffres montrant l’attachement général d’une très large majorité de la population française vis-à-vis de la laïcité, se cachent aussi certains écarts.
Tout d’abord, il apparaît que les personnes plus aisées (cadres, CSP+) ou plus âgées (retraités) sont à la fois les mieux informées et les plus attachées à la laïcité.
Ainsi 85 % des répondants de 65 ans et plus se déclarent attachés au principe de laïcité, contre 71 % des 18-24 ans et 59 % des 25-34 ans : un écart que l’on peut attribuer notamment à une compréhension biaisée de la laïcité parmi une partie des jeunes générations, plus portées que les autres à penser, à tort, qu’il s’agit d’un « principe qui interdit les tenues ou signes religieux visibles dans la rue ». De même 86 % des cadres et professions intellectuelles supérieures sont attachés à la laïcité, contre 59 % des ouvriers. Des écarts sociaux et générationnels significatifs, mais qui sont à nuancer toutefois puisque l’attachement à la laïcité reste majoritaire parmi toutes ces catégories.
À propos des protections garanties par la laïcité, d’autres écarts apparaissent, religieux cette fois.
Si l’on mesure peu de différences entre croyants et non-croyants de manière générale, il en existe en revanche selon la religion des répondants, avec d’une part 72 % des protestants et 60 % des catholiques considérant que la laïcité protège en théorie (selon le droit) les pratiquants des différentes religions et, de l’autre, 45 % des musulmans seulement partageant ce point de vue. Un écart que l’on peut attribuer notamment aux discriminations : 50 % des musulmans citent les « discriminations que subissent des citoyens à raison de leur religion supposée » parmi les principaux enjeux liés à la laïcité, contre seulement 35 % des catholiques et 33 % des protestants.
Faire de la laïcité un élément de cohésion nationale plus que de divisions
Au-delà de ces différences catégorielles, notre enquête met en avant un écart entre la laïcité tellequ’elle existe dans le droit et la laïcité appliquée au quotidien : 44 % des répondants considèrent que la laïcité est un principe qui rassemble « en théorie » (19 % seulement pensant au contrairequ’il s’agit d’un principe qui divise) mais « en pratique » seuls 18 % des répondants jugent que la laïcité rassemble au quotidien (et 37 % qui divise).
En particulier, 21 % des répondants jugent que la laïcité est « globalement bien appliquée par les autorités publiques » contre 30 % « mal appliquée » et 39 % « plus ou moins bien appliquée ». Ils sont également 60 % à penser que « trop souvent, on ne parle de laïcité qu’à travers la polémique » et 67 % pour lesquels « la laïcité est trop souvent instrumentalisée par les personnalités politiques ».
Cette difficulté à appliquer pleinement la laïcité dans la pratique n’appelle pas pour autant à des modifications législatives majeures qui transformeraient notre modèle national de laïcité, puisque 46 % des personnes interrogées considèrent que « la séparation entre l’Etat et les organisations religieuses qui découle de la loi de 1905 est adaptée et ne doit pas être modifiée » (à l’inverse,seuls 22 % souhaiteraient cette séparation plus stricte et 11 % moins stricte).
Enfin, notre enquête fait apparaître des défis d’avenir liés à la laïcité : le premier de ces défis, et le seul exprimé par une majorité de l’opinion publique, est « la montée des intolérances entre les différentes communautés religieuses » (57 %), devant « les crispations engendrées par le port de signes visibles de certaines religions » (44 %) qui ont pourtant davantage fait l’actualité ces dernières années.
Autrement dit, les attentes de l’opinion publique pour l’avenir appellent en priorité à bien appliquer en pratique notre modèle de laïcité actuel, afin que s’estompe cette distinction entre une laïcité « théorique » considérée comme protectrice des libertés et gage de cohésion nationale, et une laïcité mal interprétée au quotidien, génératrice parfois de divisions au sein de la société.
François Miquet-Marty
Aurélien Preud’homme
Stewart Chau