Après un hiver social difficile
Un frémissement d’optimisme dans les anticipations économiques
Alors que la période s’étalant de l’automne 2021 à aujourd’hui a été frappée d’une chute quasi continue des anticipations sociales et économiques, la nouvelle livraison du baromètre Viavoice – Le Figaro – HEC – BFM Business offre la première embellie d’ampleur à ce niveau.
Une prise de température qui laisse entrevoir les prémisses d’un regain de confiance, dont l’histoire nous rappelle qu’il demeure fragile.
Le moral des cadres : un net regain d’optimisme
L’édition du mois de mars 2023 soulignait une rechute légère du moral des cadres français, celle du mois de mai témoigne d’une embellie nette des anticipations économiques et sociales.
L’indice du moral des cadres marque en effet un regain de 16 points pour s’établir à -25, son score le plus haut depuis près d’un an (-23 en juin 2022). Alors que les ménages ont été – et continuent d’être – durement frappés tout l’hiver durant par un contexte socio-économique marqué par une inflation galopante, les anticipations des cadres semblent repartir à la hausse alors que la période estivale approche à grands pas :
- 22 % des décideurs (+10 points) et 18 % (+ 7 points) des Français estiment que leur niveau de vie s’améliorera dans les prochaines années, des scores encore bas mais en nette augmentation depuis la précédente prise de température ;
- 31 % des cadres et 27 % des Français envisagent une diminution du nombre de chômeurs en France dans les mois qui viennent, des scores là aussi en hausse nette de respectivement 11 et 10 points depuis le mois de mars ;
- Si le degré de motivation au travail ne connaît pas d’évolution majeure, les cadres et l’opinion en général anticipent une légère amélioration de leur situation financière dans les prochains mois pour atteindre leurs scores les plus élevés depuis le printemps dernier.
Alors que le débat sur la fiscalité vient d’être réouvert par l’annonce d’une baisse des prélèvements sur les classes moyennes à échéance 2027, c’est encore cet allègement de la fiscalité qui remporte la majorité des suffrages de l’opinion (45 % chez les Français et 47 % pour les cadres). En attente d’une assistance de l’Etat et des pouvoirs publics, c’est à ces acteurs que 22 % des cadres accordent leur confiance dans l’amélioration de la situation économique de la France. Un score en hausse de 5 points mais toujours derrière celui des entreprises (31 %) et de la dépense des consommateurs (27 %) dont le pouvoir d’achat continue de s’éroder et vers lesquels l’expression d’attentes s’avère logiquement en recul.
Construire « l’après-réforme des retraites » : le nouvel acte économique et social du quinquennat ?
Alors que les plaies engendrées par les débats sur la réforme des retraites sont encore ouvertes et que l’exécutif entend tourner la page en poussant les sujets à venir, qu’en est-il du regard de l’opinion ?
Les résultats du nouveau Baromètre des Décideurs rappellent d’abord que la crise énergétique continue de sévir et que c’est sur ce sujet que les attentes sont les plus fortes : 61 % des décideurs et 54 % de l’opinion estiment ainsi qu’il s’agit du sujet prioritaire parmi les chantiers gouvernementaux. Suit la question de la réindustrialisation, sur laquelle 70 % des décideurs et plus d’un Français sur deux (55 %) estiment la volonté d’Emmanuel Macron d’accélérer les actions comme étant « une bonne chose ». L’ « enjeu travail », grand absent des débats sur les retraites, ferme la marche des priorités à traiter par l’exécutif, prioritaire aux yeux de 52 % des décideurs et 48 % de l’opinion.
S’agissant des enjeux qui pourraient faire l’objet de mesures dans le prochain projet de loi « plein emploi » porté par le gouvernement, l’opinion se montre réceptive, en déclaratif en tout cas, sur les axes présupposés :
- 94 % des cadres et 92 % des Français estiment que la qualité de vie au travail doit être considérée comme un chantier « important », dont 66 % estiment même qu’il doit être « prioritaire »
- Aux yeux de 8 cadres et 9 Français sur 10, le partage de la valeur dans les entreprises s’avère être un enjeu « important » et prioritaire pour plus d’un tiers de chaque public ;
- Le projet de « compte épargne-temps » recueille également un accueil favorable pour 67 % des décideurs et surtout près de 8 Français sur 10 ;
- Enfin, la semaine de quatre jours qui pourrait faire l’objet de mesures d’expérimentation est favorablement accueillie par 58 % de l’opinion et 65 % des cadres.
Dans une société française travaillée par des écarts de revenus mal perçus et alors que la crise du pouvoir d’achat amplifie le regard d’injustice que l’opinion porte à ces différences, les prémisses de mesures portant sur le partage de la valeur s’avèrent bien considérées :
- 82 % des cadres et 74 % des Français se disent favorables à la généralisation des dispositifs de partage de la valeur pour les entreprises de 11 à 49 salariés ;
- L’idée d’un développement de l’actionnariat salarié est également bien accueilli par 8 cadres sur 10 et 73 % de l’opinion ;
- Enfin, la possibilité de verser deux primes « partage de la valeur » par année est considérée comme une bonne mesure par 77 % des décideurs et 7 Français sur 10.
Pouvant être perçus comme des « chantiers de réconciliation » proposés à une société française encore à vif, ces axes de travail semblent aller dans le sens souhaité par l’opinion. Reste à attendre ce qu’il en sera sur le fond et ce qu’il en sera du climat non seulement social mais aussi économique et institutionnel dans lequel ces débats se tiendront.
François Miquet-Marty
Président
Adrien Broche
Responsable des études politiques et publiées