Politique

L’Union européenne face au défi de la guerre

Un bilan de l’action européenne et de la PFUE en demi-teinte

Le 1er janvier 2022, la France, emmenée par Emmanuel Macron, prend la présidence de l’UE pour 6 mois. Ce mandat qui prend fin ce 30 juin a bien évidemment été marqué par le retour du tragique aux frontières de l’Europe. La guerre en Ukraine a ébranlé le monde mais surtout engagé l’UE à se repenser, la plaçant face aux défis de sa souveraineté, de son indépendance, de son poids politique et de sa place sur la scène internationale.

Quel est le bilan perçu par les Français ? Comment cette guerre a-t-elle fait évoluer la perception des Français sur l’UE, sur ses enjeux et sur les attentes que les Français expriment aujourd’hui ?

La deuxième édition du baromètre européen Viavoice – France télévisions – Radio France et France Média Monde livre des résultats éclairants sur le regard porté par les Français sur l’UE présente et à venir.

L’Union européenne, un acteur politique qui peine encore à convaincre en temps de guerre

La guerre en Ukraine a placé l’Union européenne face à des défis qu’elle pouvait penser appartenir à l’histoire ancienne. Premier élément, les Français soulignent l’importance de son rôle dans la situation :

• 59 % des Français considèrent ainsi que l’UE a un rôle important à jouer dans la résolution de la guerre.

D’ailleurs, les Français accueillent assez favorablement la stratégie empruntée par l’UE pour trouver des issues possibles au conflit :

• D’abord, 58 % des Français se disent favorables à la livraison d’armes de l’UE à l’Ukraine, un élément majeur compte tenu du caractère inédit de cette mesure ;
• Ensuite, sur la décision prise par Emmanuel Macron de maintenir le dialogue avec la Russie et Vladimir Poutine, puisque 61 % estiment que le président de la République a eu raison de maintenir les discussions avec le Président russe.

Pour autant, 52 % des Français estiment que l’UE n’est pas encore à la hauteur de cette guerre quand 43 % louent l’action européenne.

La guerre semble avoir peu impacté la place de l’UE dans le concert mondial des nations, 32 % estimant même qu’elle ressortira affaiblie de ce conflit et soulevant ainsi la question des sources de cet affaiblissement : sont-elles politiques ou financières ?

Dès lors, si le regard des Français sur l’UE ne témoigne pas d’un revirement, le message est clair : l’UE ne doit pas manquer d’être au rendez-vous de cette période historique et décisive pour tous et notamment ses propres ressortissants.

L’Union européenne en temps de guerre : le double enjeu de la protection

Ce contexte de guerre en Ukraine a propulsé l’enjeu de la protection au cœur des problématiques de la PFUE. Cette demande de protection se déploie à deux niveaux :

• D’abord, la résurgence de la guerre vient renforcer l’idée d’une « armée européenne ». A ce titre, 73 % des Français se disent favorables au fait que l’UE se dote de sa propre armée afin d’assurer sa défense.

Un enjeu de protection qui doit aussi s’installer au sein de chaque pays membre puisque 63 % des Français estiment que chaque Etat-membre de l’UE doit investir davantage dans leurs propres budgets de défense, appuyant le changement de politique militaire parfois historique de certains pays poussés à se « réarmer ».

D’ailleurs 52 % des Français estiment que la protection des frontières de l’UE est un enjeu prioritaire pour les années qui viennent.

• Le deuxième niveau de protection attendu par les Français par l’UE est en lien avec les conséquences de la guerre sur l’ensemble des ressortissants européens :

– 63 % des Français placent l’inflation et la montée des prix comme le sujet majeur sur lequel l’UE doit intervenir, signal d’alerte de l’inquiétude des Français qui sont 74 % à penser que l’économie européenne se dégradera dans les mois à venir (+28 points depuis la vague précédente).

– Vient ensuite la question de la souveraineté énergétique, enjeu prioritaire pour 62 % des Français qui comprennent par cette guerre en quoi l’indépendance énergétique européenne constituait un sujet fondamental pour les pays membres.

Cette guerre met l’UE face à des défis pluriels : celui de sa souveraineté, de son indépendance et de sa place « politique » dans la conversation internationale. Sans doute ici s’invente un lien nouveau entre les Français et l’UE dans un contexte international instable et face aux enjeux planétaires. Ce n’est pas moins d’UE mais bien plus d’UE que réclament les Français.

Présidence française de l’UE : un bilan en demi-teinte pour un Emmanuel Macron en première ligne

La PFUE a été inévitablement marquée par le conflit en Ukraine. Dans ce contexte, le bilan d’Emmanuel Macron pourtant en leader de l’UE reste mitigé pour les Français : si 38 % estiment qu’il a bien présidé l’UE, 39 % sont de l’avis contraire.

En ligne avec ces tendances, le bilan global de cette présidence divise les Français, 35 % l’estiment positif contre 39 % négatif, à noter que près de 2 Français sur 10 n’ont pas d’avis sur la question.

Si la PFUE n’a pas considérablement impacté la place de la France sur la scène européenne, plus d’un tiers (34 %) pensent que la position de la France s’est renforcée à l’issue de cette Présidence. Un score non négligeable au regard de la montée des mouvements anti-européens en France.

Un autre constat fait consensus et illustre le regain d’intérêt des Français pour l’enjeu européen : 36 % des Français déplorent une couverture médiatique de la PFUE jugée insuffisante. Un score en lien avec les 58 % de la population qui souhaitent être davantage informés sur l’UE, notamment sur les réalisations concrètes de l’UE et ce qu’elle fait au quotidien. Le contexte actuel donne matière à évoquer l’Europe et expliciter son rôle central.

D’ailleurs, 60 % des Français estiment que l’UE doit constituer un sujet important voire prioritaire (13 %) pour le quinquennat qui s’ouvre.

Retour sidérant au tragique suivant l’épisode de la crise sanitaire, il fait peu de doutes que le retour de la guerre en Europe a permis aux Français de percevoir plus que jamais l’importance de l’interdépendance du destin français et des enjeux européens.

Stewart Chau
Directeur des études politiques

Adrien Broche
Consultant