Santé et interêt général

Baromètre sexisme – Viavoice / Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes

Le sexisme en France

Mieux l’identifier, mieux en parler pour mieux prévenir et lutter

Plus de 4 ans après le mouvement #metoo, la première vague du « Baromètre Sexisme » réalisée par Viavoice pour le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dresse un premier diagnostic global sur l’état de l’opinion concernant les enjeux de lutte anti-sexisme en France. Cette enquête a pour ambition d’objectiver précisément les représentations du sexisme en France, d’aborder l’expérience concrète des femmes face à cet enjeu et d’identifier ce qui sous-tend les perceptions du sexisme pour mieux comprendre et lutter.

La première édition de ce baromètre inédit délivre de nombreux enseignements. D’abord, cette enquête rend compte d’une prise de conscience largement partagée dans la population française des inégalités profondes qui touchent les femmes par rapport aux hommes. L’étude déplore aussi le traitement inadapté des actes et propos sexistes, davantage portés par les faits divers ou l’instrumentalisation politique que le débat public. Plus encore, c’est la nécessité d’agir concrètement sur cet enjeu qui est soulevée au regard de l’écrasante majorité de femmes victimes d’actes et de propos sexistes.

Au-delà de l’identification des espaces du sexisme, l’étude permet aussi de soulever les enjeux d’identification et de définition du sexisme, sujet complexe et mal maîtrisé qui donne lieu à la persistance d’une forme de sexisme insidieux, « ordinaire », encore trop « accepté » par une part de la population. Enfin, ce premier état des lieux chiffré de ce que recouvre le sexisme en France laisse aussi voir la marge de progression dans des actions qui restent nécessaires et légitimes à mener et porter par les pouvoirs publics.

1) Le constat d’inégalités entre femmes et hommes insuffisamment traitées en France

  • Face au constat formel d’inégalités entre femmes et hommes partagé par tout·e·s les Français·e·s : une lutte anti-sexisme perçue comme légitime et nécessaire

Dans leur immense majorité, les Français·e·s, quel que soit leur genre, constatent et expriment de manière franche que les femmes et les hommes ne sont pas égaux en pratique. En effet, 88 % estiment que les femmes subissent des inégalités de traitement dans au moins une des sphères de la société : le monde du travail, l’espace public et la vie de famille sont désignés comme les domaines les plus inégalitaires. Plus précisément, respectivement 74 %, 63 % et 60 % des Français·e·s perçoivent ces inégalités au travail, dans la rue/les transports et au sein du foyer.

Ce niveau de conscience élevé suscite chez les Français·e·s un sentiment de maîtriser le sujet du sexisme, du moins de manière déclarative (9 Français·e·s sur 10 pensent en connaître la définition).

Dès lors, la lutte anti-sexisme se révèle être une préoccupation majeure dans la société et recueille une forte adhésion :

  • Plus des trois-quarts des Français·e·s estiment que la prévention et la lutte contre le sexisme en France est importante et souhaitent voir ces sujets devenir prioritaires dans l’agenda politique des pouvoirs publics ;
  • Les mouvements anti-sexisme de ces dernières années sont également majoritairement soutenus et plus d’1 Français·e sur 2 les voient comme nécessaires et révélateurs d’une colère.

Une lutte également légitimée par l’augmentation perçue des actes et propos sexistes ces 5 dernières années pour 53 % des Français·e·s.

  • La lutte contre les inégalités entre femmes et hommes en France : mieux en parler et mieux agir

Au regard des attentes prononcées en faveur de plus d’actions, les Français·e·s jugent médiocre le traitement fait des inégalités entre femmes et hommes par les médias, le débat public, l’arsenal juridique et les pouvoirs publics.

Tout d’abord, la présence de la lutte anti-sexisme dans les médias et le débat public est jugée insuffisante mais surtout mal appréhendée. Si 43 % estiment qu’on ne parle pas assez de la lutte contre le sexisme, les Français·e·s estiment surtout qu’on en parle mal : à travers les drames et faits divers (51 %), par opportunisme politique (31 %), sous un angle réduisant les femmes à des rôles de victimes (31 %)… Au final seul·e·s 6 % des répondant·e·s considèrent qu’on présente correctement ce qu’est le sexisme.

Sur le plan judiciaire, le constat n’est pas plus flatteur face à un arsenal juridique existant mais perçu comme inefficace ou mal utilisé :

  • 6 femmes sur 10 déclarent ne pas se sentir aujourd’hui suffisamment protégées des actes et propos sexistes ;
  • Et l’action des pouvoirs publics n’est jugée efficace que par un tiers de la population française : les Français·e·s ont le sentiment que les gouvernant·e·s, les élu·e·s, la police et la justice ne font pas tout ce qu’il faut pour lutter contre le sexisme en général, les violences sexistes et les féminicides ;
  • Plus encore, cette inefficacité perçue conduit à un constat sans appel : celui d’un sentiment d’impunité partagé, puisque presque 8 Français·e·s sur 10 pensent qu’une partie des actes et propos sexistes sont tolérés dans la société et 44 % que les sanctions existantes sont mal appliquées. Plus du tiers de la population considère d’ailleurs que les lois et sanctions existantes sont insuffisantes pour lutter contre les actes et propos sexistes.

2) L’enjeu d’une meilleure identification du sexisme

  • Une définition du sexisme peu construite

Au-delà du constat partagé d’inégalités entre femmes et hommes, la définition du sexisme apparaît encore floue pour l’opinion. Si 92 % des Français·e·s estiment savoir ce qu’est le sexisme, 44 % sont encore dans l’« à peu près ». Cette présence à l’esprit peu construite conduit à ne pas toujours identifier les actes sexistes, jugeant que ceux-ci « dépendent du contexte, de la situation » ou ne sont pas sexistes du tout. A titre d’exemples :

  • 1 Français·e sur deux considère que les situations d’une femme qui cuisine tous les jours pour toute la famille ou d’un homme qui coupe la parole à une femme ne sont pas sexistes dans l’absolu et respectivement 27 % et 15 % qu’elles ne sont pas sexistes du tout ;
  • 42 % considèrent que la situation d’un homme qui commente la tenue vestimentaire d’une femme n’est sexiste que selon le contexte dans lequel elle se produit et 13 % qu’elle n’est pas sexiste du tout ;
  • 29 % estiment que la situation d’un homme qui fait un baiser dans le cou de sa collègue n’est sexiste que selon le contexte et 10 % qu’elle n’est pas sexiste du tout.

Enfin, seul 1 Français·e sur 2 reconnait les féminicides comme meurtres singuliers d’une femme de part sa condition de femme.

  • La persistance d’une zone d’acceptabilité des actes sexistes

L’imparfaite définition du sexisme conduit à l’acceptation d’un certain nombre d’actes sexistes apparaissant ambigus, situationnels et plus difficilement perceptibles.

Ainsi, les situations relevant clairement du sexisme pour une majorité de Français·e·s sont celles qui se produisent dans les espaces perçus comme les plus inégalitaires : les sphères professionnelle, publique et familiale :

  • 81 % des répondant·e·s considèrent que la situation d’un homme qui insiste pour avoir un rapport sexuel avec sa collègue en échange d’une promotion ou d’une évolution professionnelle relève tout à fait du sexisme ;
  • Cette part est de 73 % pour la situation d’une femme qui se fait siffler dans la rue et de 66 % pour un homme qui gifle sa conjointe.

En revanche, en dehors de ce qui se déroule au travail ou ce qui relève d’agressions, privations ou harcèlements, les manifestations de « sexisme ordinaire » sont beaucoup moins bien identifiées et restituées. 

Les clichés sexistes, notamment ceux de galanterie et de « mise en valeur » des femmes, restent systématiquement acceptés par plus d’un·e Français·e sur deux :

  • 61 % estiment « qu’il est normal d’appeler une femme « mademoiselle » si elle est jeune et non mariée » ;
  • 54 % sont d’accord pour dire que « les femmes sont naturellement plus douces que les hommes » ;
  • Et presque la moitié de la population admet « qu’un homme peut aborder une femme dans la rue pour lui proposer d’aller boire un verre » et « qu’il est normal qu’un homme paie l’addition au premier rendez-vous avec une femme ».

3) Un vécu et une expérience du sexisme très largement partagés et restitués par les femmes françaises

  • Les révélateurs du sexisme ordinaire et les stratégies d’évitement

Presque 8 femmes sur 10 de plus de 15 ans ont déjà vécu personnellement un acte sexiste ou ont été destinataires de propos sexistes.

Si les manifestations de « sexisme ordinaire » sont les moins bien identifiées, elles sont pourtant expérimentées et exprimées par une majorité de femmes : 57 % ont vécu personnellement des blagues ou remarques sexistes ; 42 % des sifflements et gestes déplacés de la part d’un homme ; 37 % des remarques faites sur leur tenue ou leur physique.

Ce « sexisme ordinaire », insidieux, conduit notamment les femmes à des stratégies d’évitement ou à des renoncements pour ne pas avoir à subir des actes et propos sexistes :

  • 1 femme sur 2 refuse de s’habiller comme elle le souhaite par crainte de regards et de commentaires, renonce à sortir et faire des activités seule ou censure ses propos ;
  • Plus du tiers des femmes déclare ne pas prendre les transports en commun seule, fait attention à ne pas parler trop fort ou renonce à se rendre dans un lieu ou à rejoindre un groupe de personnes majoritairement composé d’hommes.

Finalement, c’est près de 9 femmes sur 10 qui expriment massivement cette charge mentale d’anticipation d’actes et propos sexistes.

  • Les trois espaces du sexisme clairement identifiés : espace public, espace professionnel et vie de famille

De manière assez attendue, ce sont dans les lieux perçus comme les plus inégalitaires que les femmes vivent le plus les actes sexistes :

  • 61 % ont vécu personnellement un acte sexiste ou ont été destinataires de propos sexistes dans la rue et les transports ;
  • 46 % ont vécu des manifestations sexistes au travail ;
  • 43 % en ont vécu dans leur foyer.

Mais l’identification des espaces du sexisme varie fortement aussi selon les générations : par exemple plus d’une jeune femme sur deux (entre 15 et 34 ans) déclare ainsi avoir vécu des actes sexistes ou été destinataires de propos sexistes dans la sphère scolaire ou éducative/formation.

 

  • Des indicateurs alarmants révélés dans la sphère intime, privée

L’étude met également en évidence des données alarmantes concernant les manifestations sexistes vécues dans la sphère intime, privée. Relevant des violences physiques et du harcèlement, ces actes sont déclarés par les femmes dans des proportions importantes :

  • 13 % des femmes disent avoir subi un « acte sexuel imposé » ; ce taux monte à 20 % pour les 18-34 ans ;
  • 19 % ont fait face à un conjoint insistant pour avoir un rapport sexuel ; ce taux monte à 26 % pour les 25-34 ans ;
  • 13 % ont subi des coups portés à leur égard par leur conjoint.

 

Par :
Maïder Beffa

Stewart Chau

Elise Cathala

 

Publié le 07/03/2022

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