Entre uberisation et remise en cause du libre-échange, où va la globalisation ?
En termes strictement économiques, deux dynamiques semblent se déployer actuellement.
La première dynamique est liée à ce qu’on appelle déjà communément l’ « uberisation » de l’économie, qui est en fait une convergence réussie entre digital et économie collaborative. C’est un modèle économique où l’ensemble des acteurs économiques, consommateurs et salariés, producteurs et acheteurs, sont en lien direct et peuvent même se substituer parfois. Une fois ce constat réalisé, il est encore trop tôt pour en imaginer l’ensemble des répercussions pour demain. D’autant que l’uberisation n’est pas le seul élément disruptif de l’économie digitale : Big data, imprimante 3D, voitures autonomes et biotechnologies apporteront dans le même temps leurs lots de ruptures dans la plupart des secteurs d’activité. Dans quelques années, c’est-à-dire à très court terme.
Seule certitude aujourd’hui : ces répercussions seront immenses. Des réalités qui nous paraissaient aussi immuables que le salariat, les grands groupes industriels, un grand nombre de métiers et de modes de production, jusqu’à nos modes de vie quotidiens se retrouveront demain remis en cause par ce qui convient déjà d’identifier comme une nouvelle « révolution industrielle ».
La seconde dynamique est liée à la fin de la globalisation telle que nous l’avons connu depuis les années 1980. Elle remet en cause le modèle économique qui s’est imposé avec l’avènement de l’ère Reagan-Thatcher, basé sur le libre-échange et la déréglementation.
Bien avant la victoire de Donald Trump et de ses penchants protectionnistes, de nombreux gouvernements se sont convertis à une « Realpolitik économique » à géométrie variable, alliant protectionnisme et ouverture selon les intérêts du moment. La crise économique de 2008, en remettant les Etats au centre de décision, puis les « séismes politiques » récents (Brexit, élection américaine) dans les pays qui auront pourtant été les plus virulents défenseurs du « tournant néolibéral » ont fini d’accélérer ce mouvement.
Là encore, difficile d’imaginer vers quel monde nous allons. Il est en tout cas indéniable qu’il devient de plus en plus difficile de négocier des accords commerciaux globaux – les exemples du CETA et du TAFTA sont là pour le prouver – et que la vague de déréglementation connue depuis les années 1980 est aujourd’hui remise en cause, non seulement par les opinions publiques occidentales, mais aussi par des responsables politiques de premier plan, de gauche et – de plus en plus – de droite.
Des questions géopolitiques majeures pour l’économie de demain
Au-delà de ses « forces systémiques » modelant le monde de demain, des questions géopolitiques immenses se posent pour les années à venir, intéressant au premier plan les entreprises.
Pour l’année 2016, les cadres français estiment ainsi que les deux évènements qui ont le plus influencé l’économie mondiale sont l’impact du terrorisme et les incertitudes géopolitiques actuelles.
Il faut dire que les « dossiers » sont nombreux pour les négociateurs internationaux, entre les résolutions de conflits (Syrie, Irak, Lybie, Ukraine, relations des pays occidentaux avec la Russie), le « Brexit » et son impact à terme pour la construction européenne, les politiques monétaires et budgétaires de l’UE suite à la crise de l’euro, l’avenir des accords commerciaux sans oublier la question environnementale (COP 21), la question migratoire et la lutte contre le terrorisme.
Dans le même temps, la « géopolitique économique » évolue à grand pas, entre déclin de l’Occident (confronté à une croissance faible sur un temps de plus en plus long), ralentissement des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) et difficultés des pays de l’OPEP face à la baisse des prix de l’énergie, ralentissant les investissements sur les hydrocarbures en même temps qu’elle limite les débouchés pour les énergies renouvelables.
Toutes ces interrogations constituent à n’en pas douter autant d’incertitudes (et donc de risques) pour des entreprises déjà confrontées à la remise en cause de leurs modèles économiques. Où, quand, et comment investir demain dans un monde aussi instable, et incertain ?
Et si la prochaine rupture était sociétale ?
Enfin, la dernière inconnue – et sans doute la plus cruciale – est celle des peuples et des sociétés : que feront les consommateurs dans ces années 2020 ? Quelles technologies s’approprieront-ils, ou à l’inverse refuseront-ils ? Où en seront l’état de nos sociétés, et les opinions de nos concitoyens ?
Derrière le « populisme » ou l’ « obscurantisme » dénoncé parfois se cachent un certain nombre d’inquiétudes, d’interrogations, d’angoisses parfois pour des individus qui en tant qu’acteurs économiques et sociaux sont également vulnérables dans ce monde en mouvement, au même titre –voire bien davantage – que les entreprises. Leurs interrogations et leurs aspirations devront être prises en compte, bien au-delà des modèles actuels. C’est peut-être là, d’ailleurs, que se cache la prochaine rupture économique majeure. Celle de ces dix prochaines années