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Quel que soit le futur Président, voici à quoi pourrait ressembler la France d’après

Ce coup d’œil dans le rétroviseur montre combien il est difficile d’anticiper le moyen terme dans un contexte national et international de plus en plus incertain. Il existe pourtant des dynamiques fortes dans cette campagne, permettant de dessiner des perspectives pour la France de demain. Des perspectives qui devraient structurer cette “France d’après” 2017, quel que soit le Président élu.

Un renouvellement politique de grande ampleur

La première dynamique est liée au renouvellement des élus et de la classe politique.

En regardant l’attractivité des principales forces politiques, difficile de dire quelle majorité sortira des élections législatives: 24 % des électeurs déclarent pouvoir voter En Marche, 23 % pour le FN, 22 % pour LR, 20 % pour le PS, 14 % pour le Parti de gauche… Combien de triangulaires et même de quadrangulaires sur l’ensemble des 577 circonscriptions, dans ce contexte ? Quels retraits, quelles alliances de second tour, et quels partis en profiteront ? Difficile de le dire aujourd’hui, tant les écarts sont faibles.

Ce qui est plus certain, en revanche, c’est que le Parti socialiste et Les Républicains, qui représentent actuellement plus de 80 % des députés, seront largement en retrait face au poids politique pris par le Front national, En Marche ou La France insoumise. Ajouté à la loi sur le non-cumul des mandats (empêchant de nombreux députés-maires de se présenter à nouveau), la prochaine assemblée devrait donc compter peu de députés sortants.

Ce renouvellement des élus devrait également s’imposer au gouvernement, notamment en cas de victoire d’Emmanuel Macron (qui ne souhaite pas “d’anciens ministres au gouvernement”), de Marine Le Pen ou encore de Jean-Luc Mélenchon.

Qu’en sera-t-il de la continuité de l’action publique, dans cette France où les pouvoirs exécutif (Président, Ministres) comme législatif (députés) n’auront que peu d’expérience de l’Etat, de l’administration et des institutions judicaires, du dialogue social enfin, sans lesquels toute réforme peut être freinée dans son application?

Certes, le renouvellement des élus est attendu par les Français car il est perçu comme un moyen d’insuffler une nouvelle dynamique dans les pratiques politiques. Mais il pose aussi la question de l’efficacité de l’action publique. Cet enjeu sera l’un des principaux défis de la prochaine majorité, quelle qu’elle soit, si elle ne veut pas décevoir à l’image d’un Donald Trump qui après avoir fait mille promesses et décrété la fin de l'”establishment”, se voit aujourd’hui freiné par la justice américaine et le Congrès.

Socialistes et Républicains pourraient être marginalisés

L’autre effet du renouvellement sera idéologique. En cas de victoire d’Emmanuel Macron en particulier, une grande partie du centre-gauche et du centre-droit connaîtra une attraction vers la future majorité présidentielle. Et ceux qui la rejoindront se couperont de leurs partis d’origine, contribuant à déplacer leurs centres de gravité.

Quel avenir pour la droite républicaine (LR et UDI), si une grande partie de sa composante centriste rejoint la future majorité? Elle devrait prendre le chemin d’une “droite décomplexée”, au détriment de la ligne incarnée par Alain Juppé lors de la Primaire. Pourtant, une telle stratégie risque de marginaliser cette droite, par ailleurs concurrencée par le Front national. De même, le centre de gravité du PS pourrait se déplacer sur sa gauche, même si la campagne de Benoît Hamon pose déjà des questions sur l’efficacité de ce positionnement face à Jean-Luc Mélenchon.

Cette droite et cette gauche menacées de scissions, isolées et marginalisées entre le centre (“En marche”), la gauche de la gauche (“Les Insoumis”) et le Front national pourraient donc être condamnées à une longue “traversée du désert” dans le quinquennat à venir. Elles pourraient se retrouver dans la situation du Labour britannique, dont le leader Jeremy Corbyn est jugé trop radical pour espérer un jour conquérir le pouvoir, mais assez légitime auprès des militants pour se maintenir à la tête du parti. Les élections législatives de juin seront quoi qu’il en soit un test (risqué) pour ces partis, puisqu’elles conditionneront à la fois leur poids politique et leur financement public pour les cinq prochaines années.

Le Front national devra faire face à de multiples défis

D’autres questions se posent à l’extrême-droite. L’élu Front national de la Région PACA montrant des documents négationnistes dans l’arrière-boutique de sa librairie niçoise soulignait il y a peu les limites de la “dédiabolisation”.

Qu’en sera-t-il demain, si le FN parvient à constituer un groupe parlementaire conséquent? Combien d’affaires comparables pourraient surgir, fragilisant la crédibilité de sa Présidente, dont la communication très contrôlée n’est aujourd’hui relayée que par quelques porte-paroles rompus aux médias (Gilbert Collard, Florian Philippot…)?

Comment seront gérées également les divisions internes, entre une ligne sociale et laïque portée par Florian Philippot et une ligne plus traditionaliste incarnée par Marion Maréchal Le Pen? La croissance du nombre d’élus frontistes, aux profils diversifiés, ne pourra à l’avenir qu’exacerber ces divisions, et les exposer au grand jour.

Enfin, ce qui menace sans doute le plus le Front national est la concurrence de nouveaux mouvements sur son créneau de l'”alternative au système”.

Jean-Luc Mélenchon notamment, en se débarrassant volontairement de certaines références (L’Internationale, les drapeaux des partis, l’appel aux forces de gauche…) et en allant vers de nouvelles références moins clivées idéologiquement (logo en forme de lettre grecque, appel à l’insoumission et à la révolution “citoyenne”) réussit à élargir son auditoire aux Français les moins politisés et les plus désenchantés par la politique. Il est aujourd’hui jugé convaincant par 49 % des électeurs proches d’aucun parti, contre à peine 21 % pour Marine Le Pen. En répondant à la “dédiabolisation” par une “dé-marxisation” efficace, il concurrence donc l’extrême-droite en copiant sa stratégie (plutôt que son discours): gagner la bataille culturelle, celle des idées, quitte à délaisser l’héritage du passé, qui ne fait plus sens pour de nombreux électeurs.

Enfin, la dynamique d’Emmanuel Macron se nourrit également des électeurs déçus du hollandisme et du sarkozysme, et du rejet des partis traditionnels. Or, qu’est-ce que le FN sans ce fameux “système UMPS” qu’il dénonce depuis tant d’années? Une force politique qui perd un de ses atouts majeurs: le monopole de l’alternative politique et du rejet de la classe dirigeante.

France apaisée ou France divisée : le véritable enjeu de 2017

Enfin, la dernière perspective que l’on peut dessiner pour cette “France d’après” est celle de la réconciliation nationale: au-delà de la classe politique, la société française réussira-t-elle à renouer avec un nouvel optimisme et une nouvelle “bienveillance” collective?

Sortira-t-elle de la spirale de la méfiance entre individus, et des individus envers les institutions qui les représentent? Car les chiffres sont aujourd’hui alarmants, avec 79 % des Français qui pensent que les relations entre les gens se détériorent, et 62 % pour lesquels la démocratie fonctionne mal. Et pourtant, individuellement les Français se déclarent “chanceux” de vivre en France… pour 80 % d’entre eux!

Au-delà des différentes stratégies politiques et du vainqueur de l’élection, c’est bien de cet enjeu qu’il s’agit aujourd’hui, à travers les scrutins des prochaines semaines: y aura-t-il en 2017 et au-delà un Président et une majorité qui sauront entraîner une société portée au pessimisme et au repli sur soi? Rendez-vous est pris pour 2022.

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